"Laudato si' " sans faire exprès ...

Voilà un titre plutôt particulier, mais plus j'en discute avec Damien, plus il a du sens dans nos aventures. Mais avant de parler de nos péripéties, une explication du titre s'impose.

"Laudato si" est le titre de la deuxième encyclique que le Pape François a publié en 2015... et que je n'ai pas lu. En tant que personne qui se dit catholique pratiquante, c'est un peu la honte. Maintenant, je me dis que je ne suis pas la seule et qu'en tant que maman de trois enfants, je suis un peu pardonnée, du moins je l'espère. Grâce à Damien, je sais un peu de quoi elle parle et j'en connais quelques extraits. En gros, s'il fallait résumer le contenu en quelques mots, j'utiliserais ceux-ci: 

En tant que chrétien, nous devons aimer et protéger la Création. Or nous avons une seule planète et il est de notre devoir de la respecter encore si nous voulons la transmettre à nos enfants.




Je ne me considère ni écolo, ni "non écolo": je fais attention à provenance des aliments que j'achète, je trie mes déchets, je fais énormément de choses "maison", certes, mais cela ne faisait pas partie de mes priorités, ma priorité absolue étant le bien-être de ma famille. Le plus drôle est que certains des gestes que nous avons commencé à faire, nous les avons fait pour des raisons de santé, financières et surtout beaucoup de bon sens. C'est bien plus tard que nous nous sommes rendus compte de la portée écologique de ceux-ci.

Tout a commencé en fin d'année civile 2015, au moment où j'ai acheté une coupe menstruelle... oui je sais, ce n'est pas glamour du tout mais ça a toute son importance! Depuis longtemps, j'enchaînais cystite et infections et une partie de mon argent partait dans le paiement des traitements. J'en avais marre mais je ne pouvais pas faire sans non plus, donc j'ai continué ainsi pendant plusieurs années en espérant qu'un jour je trouverai une alternative. Puis un jour, je suis tombée sur un article qui expliquait toutes les cochonneries que contenaient les serviettes hygiéniques: quand j'ai lu qu'il y avait de l'eau de javel dans les composantes, je me suis dit que c'était peut-être pour ça que j'enchaînais ces petits soucis de santé. Plus ou moins en même temps, j'ai entendu parler de la cup et j'ai longtemps hésité: est-ce que ça fonctionnait vraiment? est-ce que le coût (à l'époque, elle coûtait assez chère, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui) en valait vraiment la chandelle? et d'autres questions que je ne vais pas détailler ici. Vous savez ce qui m'a convaincue? Le coût sur le long terme et ma santé: j'ai calculé combien de serviettes j'utilisais, combien cela me coûtait par mois: quand j'ai vu qu'en dix ans j'allais dépenser plus de 1'000 francs en protection alors que pendant la même période j'allais utiliser une seule cup, la décision a été vite prise. En plus, vu l'argent que j'avais dépensé dans les différents traitements, je me suis dit que ça valait la peine d'essayer pour voir si j'allais toujours les utiliser: ma santé va beaucoup mieux et ... mon porte-monnaie aussi!

Pendant quelques années, ce fut le seul changement écologique que nous avions fait sans le savoir en plus du fait que je passais beaucoup de temps à faire moi-même les biscuits pour les enfants (il faudrait que j'en refasse d'ailleurs...), les compotes de pommes pour les récrés (ça, aussi...), les glaces "express", les cakes ou encore la limonade simplement parce que quand c'est fait "maison", c'est meilleur, on sait ce qu'on a mis dedans (donc, en principe, pas d'additifs ou de conservateurs) et c'est moins cher... 
Oui, je suis terrible avec  le "c'est moins cher", mais je pense que mes presque 10 années d'études d'économie et de droit entre l'école obligatoire et les études postobligatoires m'ont beaucoup formaté à comparer les prix et à me positionner, sans oublier que je ne recevais pas d'argent de poche quand j'étais jeune et, donc, je l'ai gagné à la sueur de mon front.




Puis un jour, nous avons déménagé en campagne et nous avons dû adapter notre manière de consommer, de trier et de gérer nos déchets. La ville ne me manque pas un brin, nous avons énormément gagné en qualité de vie, mais il est vrai que nous avons perdu un peu en structure de gestion des déchets. Où nous habitions avant, il y avait une déchetterie énorme, totalement impersonnelle certes, mais où nous pouvions TOUT jeter et, pour couronner le tout, nous habitions à côté du supermarché (c'est limite si je n'habitais pas dans le supermarché) et en 5 minutes de bus, nous étions au centre commercial. Donc notre questionnement de base s'arrêtait au lieu de production et d'élaboration du produit et c'est tout car nous avions tout à porter de main. Plus le déménagement approchait, plus nous étions conscients que cette manière de fonctionner n'allait pas pouvoir continuer, plus nous savions qu'il faudrait trouver des solutions, plus ça me stressait... Il est difficile de changer ses habitudes après autant d'années dans un même endroit.

Notre arrivée en campagne fut plutôt épique: une jolie déchetterie, mais pas de récupération de plastique car cela coûte très cher pour une petite commune (je les comprends) et pas la possibilité de jeter son compost. Les premiers temps, nous faisions du "trafique de compost", c'est-à-dire que nous l'amenions chez mes beaux-parents qui ont un compost de luxe jusqu'au jour où nous avons mis un compost traditionnel et un lombricomposteur (qui est un peu en pause ces temps... nos vers sont un peu morts...). Pour le plastique, ça a été une toute autre histoire. Une première solution fut vite trouvée: amener les bouteilles en plastique au supermarché et les mettre dans le container prévu pour. Plusieurs soucis: pas possible de jeter les bouteilles d'huile alimentaire dans ce container et également impossible d'y jeter les assiettes et récipients cassés en plastique dur et donc, il fallait tout jeter à la poubelle. Ça prend beaucoup de place dans le sac poubelle et ça fait mal au porte-monnaie quand le sac coûte environ 2frs à cause de la taxe au sac.
Mais il y a eu un autre phénomène dans la multiplication des sacs de poubelle: la naissance d'Iris. Sa naissance nous a comblés de bonheur, mais elle nous a aussi rappelé un petit détail que nous avions totalement omis... LES COUCHES. Ça prenait tellement de place que certaines semaines nous en avions pour deux sacs par semaine. Nous avons trouvé une première solution pour que notre sac tienne plus longtemps: un compacteur de poubelle. Grâce à cet achat, nous avons réussi à faire tenir notre sac de poubelle pendant deux semaines! Nous n'avions juste pas penser à une chose ou plutôt à une personne: notre femme de ménage. Elle n'osait plus jeter les couches à la poubelle et les mettait sur notre terrasse créant ainsi une mini-déchetterie. J'ai piqué ma petite crise toute seule (ma femme de ménage me SAUVE la vie, je ne vais pas lui mettre la faute dessus en plus) et j'ai fait l'impensable: je suis passée aux couches lavables. J'ai vu une offre pour un kit de couches lavables "pour les nuls" (l'offre s'appelait vraiment ainsi) et après de savants calculs, j'ai vu que le kit me coûterait rapidement moins chers vu le prix des couches jetables. Pour couronner le tout, Damien est tombé sur un autre article expliquant aussi les cochonneries qu'il y avait dans les couches jetables et, comme par hasard, la javel faisait aussi partie de la liste. Là, il fallait que je sois cohérente avec moi-même: si j'avais décidé d'arrêter les serviettes hygiéniques à cause de ce qu'il y avait dedans, je ne pouvais pas imposer ça à ma fille. J'ai ravalé ma fierté d'espagnole et mon "jamais au grand jamais pour les couches lavables" et nous nous sommes lancés. Nous avons bien galéré au début, mais maintenant nous en sommes totalement fan et notre poubelle aussi!
En passant aux couches lavables, nous avons dû faire face à d'autres changements dont un très important: la lessive. En effet, dans le kit "des couches lavables pour les nuls", il est expliqué qu'il faut utiliser uniquement des lessives écologiques ou des lessives "maison" qui ne contiennent pas certains agents chimiques dont je ne me souviens plus les noms. Quite à changer de lessive, je me suis dit que j'allais tester de la fabriquer moi-même et aussi voir si le coût de revient en valait la peine. Je me suis du coup rendue dans l'épicerie en vrac que nous avons pas très loin de chez nous et j'ai acheté tout ce qu'il fallait: savon de Marseille, cristaux de soude, bicarbonate et des huiles essentielles. Constat financier: le prix que j'ai payé pour acheter les ingrédients équivaut à deux paquets de 1,5 litres de lessive acheté en grande surface. Constat d'efficacité: je l'ai testé sur les couches et aussi sur nos habits et ça fonctionne tout aussi bien. Constat personnel: j'aime avoir l'impression d'être un apprenti sorcier ou un savant fou, un autre rêve de gamine qui se réalise, surtout quand on sait à quel point j'étais nulle en sciences! 




La fabrication de ma lessive nous a amené à découvrir le magasin en vrac et j'en suis littéralement tombée amoureuse. Damien a beaucoup aimé le concept aussi et ça nous a permis, à nous deux de faire un changement drastique: notre consommation du supermarché à considérablement réduit. Dans notre magasin en vrac, nous achetons du shampoing solide (la qualité est telle que je n'ai plus besoin d'après-shampoing), du savon pour le rasage, des pâtes, différentes farines, du sucre, les chocolats, le café, le riz, les herbes aromatiques, les fruits secs, la poudre à lever, la maïzéna, nos huiles alimentaires, le vinaigre et même nos légumes et nos fruits (le choix est petit mais il dépanne très bien). Certes se trimballer les récipients pour faire les courses ce n'est pas toujours la partie que je préfère, surtout qu'il en faut beaucoup quand on est une famille de cinq. Par contre, grâce à notre épicerie, nous avons trouvé la solution pour le plastique dur, c'est-à-dire de ne plus en "acheter" dans la mesure du possible. 

L'effet domino a continué: dans la même rue que l'épicerie en vrac, on trouve plusieurs boucheries, une boulangerie et si on descend un peu plus bas, on y trouve une pharmacie. Donc, en une rue, j'ai presque tout ce qu'il me faut pour faire mes courses sans forcément me rendre dans les grandes surfaces. Grâce à ce changement, je me suis rendue compte que, contrairement à ce que j'ai toujours cru, consommer mieux ne coûtait pas forcément plus cher, c'est même plutôt le contraire, et en plus je soutenais les petits commerçants. La suite a, du coup, coulé de source pour toute la famille : nous déplacer à laiterie/fromagerie pour acheter la grande majorité de nos produits laitiers et de compléter nos courses avec une  épicerie traditionnelle où on achète ce que nous trouvons pas dans les autres commerces. Enfin, nous allons, depuis quelques mois, acheter le lait chez le paysan d'à côté. Certes c'est toute une organisation parce qu'il faut prendre le temps de le chercher, de l'écrémer et de le cuire, mais il est bien meilleur, on sait qu'on paie le paysan un prix juste et qui lui permette de vivre de son métier et en plus notre poubelle est totalement désemcombrée de toutes ces briques qui prenaient beaucoup de place.

Notre "voyage Laudato Si" nous a emmené loin, bien plus que loin que je l'aurai imaginé. Pour ma part, j'ai découvert une facette que je n'aurai pas pensé: une prise de conscience écologique. Avant, il fallait que ce soit pratique, mais je me suis rendue compte que souvent ce qu'on pense qui est pratique, ne l'est pas finalement et ça nous complique énormément la vie. J'ai aussi réalisé qu'en allant chez les petits commerçants, j'allais à l'essentiel et Damien a fait le même constat: avant, que ça soit lui ou moi ou les deux, quand nous allions en grande surface, il y avait beaucoup de chances qu'on reparte avec ce qui était sur la liste ET la moitié des produits proposés en promotion dont on n'avait, clairement, pas besoin. 

Le changement le plus dur et le plus important pour moi, je l'ai fait cet été: j'ai arrêté de commander mes habits sur internet. Avant j'avais constamment la page de Zalando sur mon portable, je passais du temps à faire mes petites listes de choses que je souhaitais acheter, je commandais beaucoup d'habits pour les renvoyer quasiment à la seconde où je les avais reçu. Puis il y a eu deux choses qui me sont arrivées, une prise de conscience et une "bêtise". La prise de conscience s'est passée en deux étapes: j'ai d'abord appris par un article que les habits renvoyés chez Zalando étaient brûlés ou jetés car cela leur coûtait trop cher de les remettre dans les emballages, puis je me suis dite que tant que j'avais la page de Zalando ouverte sur mon téléphone j'allais avoir envie d'acheter des habits. C'est comme quand il y a un gâteau sur la table et qu'on est gourmand, on voudra encore se couper une part. Puis j'ai fait la boulette du siècle: j'ai perdu ma quittance de renvoi. Comme le paquet n'était jamais arrivé à destination, il voulait que je paie pour les articles commandés et, donc j'ai monopolisé le guichet de Poste pendant 90 minutes jusqu'à ce que la quittance soit retrouvée. Je n'étais pas fière d'avoir dérangé l'employée de la poste et le jour même j'enlevais la page de mon portable. Depuis si je dois acheter un habit, je fais en sorte qu'il y ait un contact avec une vendeuse ou un vendeur qui puisse me conseiller. Je n'ai pas totalement arrêté mes achats en ligne, il faut avouer qu'avec trois enfants ça s'avère bien pratique. Par contre je fais plus attention à ce que je commande et au lieu où je les commande.



Oui, nous avons fait beaucoup d'efforts, mais nous ne sommes pas parfaits et je ne veux pas jouer aux donneurs de leçons: personne ne m'a dit que je devais faire ci ou ça, j'ai pris cette décision toute seule au début, puis Damien a suivi et c'est comme ça que c'est parti. Si nous inspirons des gens, tant mieux mais ce n'est pas mon but. J'aspire simplement à tenir mes engagements et mes changements dans la durée et nous ne sommes d'ailleurs pas parfaits non plus dans notre démarche. Par exemple, pour les couches lavables, nous nous sommes fixés 2 "règles", La première étant que si ce n'est pas nous qui nous nous occupons d'Iris, nous n'allons pas imposer les couches lavables, nous sommes déjà très reconnaissant envers les personnes qui nous aident que nous ne souhaitons pas leur compliquer la vie. La deuxième est que nous nous laissons le "luxe" de mettre des couches jetables dans certaines circonstances comme par exemple lors d'une sortie en famille loin de la maison ou lorsque nous partons en vacances que soit ou non pour un "road trip familial"... Je sais très bien que ça ferait hurler certains mais sans machine à laver pendant au moins une semaine, il est quasiment impossible d'utiliser confortablement des couches lavables et je n'ai pas envie de passer mon voyage à chercher des buanderies de quartier.

Je sais que nous pouvons faire encore mieux, et c'est ce que je souhaite au plus profond de moi, mais je ne veux pas me mettre la pression: une chose après l'autre, un pas après l'autre, un changement après l'autre. J'ai déjà deux nouveaux rêves pour continuer dans ma lancée "Laudato si'": savoir faire d'autres produits de nettoyage pour me passer de ceux qu'on trouve en grande surface et savoir coudre des habits pour mes enfants, Damien et moi. Pour l'instant, il me manque le temps, les compétences... et la machine à coudre! Mais ça viendra un jour, j'en suis sûre. 




Comme une image vaut mille mots, je vous laisse celle-ci comme conclusion, qui m'a énormément déculpabilisée quand j'ai commencé mon voyage dans l'univers du zéro déchet et de l'écologie. J'espère qu'elle vous fera autant de bien qu'à moi.


  "Nous n'avons pas besoin de quelques personnes qui font parfaitement le zérot déchet, mais nous n'avons besoin de millions de personnes qui font le zéro déchet de manière imparfaite".

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